Le Leste à grands stigmas, un Odonate sentinelle des zones humides saumâtres en danger

Lestidae

Le Leste à grands stigmas (Thalassalestes macrostigma ou Lestes macrostigma), décrit pour la première fois par Eversmann en 1836, est une espèce d’Odonate de la famille des Lestidae, caractérisée par une distribution large mais fragmentée, principalement dans les zones littorales du sud du Paléarctique.

Description et identification

Le Leste à grands stigmas mesure entre 31 et 38 mm pour les mâles et 31 à 36 mm pour les femelles. Il se distingue par son corps vert métallique couvert d’une pulvérulence bleue, ses ptérostigmas noirs et rectangulaires, et ses cerques courts et arrondis. Il peut être confondu avec Lestes sponsa ou Lestes dryas, mais se distingue par la taille des ptérostigmas, la taille des cerques et la coloration du thorax .

Répartition géographique

L’aire de répartition de Lestes macrostigma s’étend de la façade atlantique européenne à l’Asie centrale, en passant par le Moyen-Orient. En France, l’espèce est présente sur le littoral atlantique (Vendée, Charente-Maritime), en Corse, et en Camargue. Les populations sont souvent disjointes et localisées, en raison de la sténoécie de l’espèce et de la faible disponibilité de son habitat de prédilection.

Habitat et écologie

Lestes macrostigma est inféodé aux eaux temporaires saumâtres, notamment les marais, mares, lagunes et anciens bassins salicoles colonisés par le Scirpe maritime (Bolboschoenus maritimus) ou plus accessoirement par le Jonc maritime (Juncus maritimus). Les adultes émergent généralement entre la mi-mai et la fin août, avec des variations selon la latitude et les conditions climatiques annuelles

La reproduction a lieu en tandem, avec la femelle insérant les œufs dans les tiges des plantes aquatiques. Les œufs passent l’hiver en diapause et les larves se développent au printemps suivant .

Menaces et conservation

Lestes macrostigma est classé « En danger » à l’échelle européenne, « Quasi menacé » à l’échelle méditerranéenne, et « En danger » en France. En région, elle est considérée « En danger critique » en Poitou-Charentes. Les principales menaces incluent la destruction des habitats par les aménagements hydrauliques, le drainage, la mise en culture, la surfréquentation, l’utilisation d’insecticides, et le surpâturage.

Des actions de conservation sont mises en place, telles que la gestion conservatoire des hydrosystèmes, l’amélioration de la connaissance du macro et micro-habitat, et la mise en œuvre de suivis pour évaluer les populations et leur dynamique.

Recherche récente

Une thèse soutenue en juin 2024 par Philippe Lambret a étudié l’écologie de la ponte et des larves de Lestes macrostigma en Camargue. Les résultats ont montré que le régime hydrologique, le niveau de salinité de l’eau, les interactions animales et les types de plantes utilisés pour la ponte influencent la dynamique des populations. Ces recherches fournissent une base scientifique solide pour développer des actions de conservation ciblées, utilisant L. macrostigma comme espèce phare pour la restauration des étangs temporaires saumâtres méditerranéens.


Bibliographie

  • Boudot, J.-P., & Raab, J.-L. 2015Atlas des libellules de France, Belgique et Luxembourg. – Biotope.
  • Dommanget, J. 1987 – Étude faunistique et bibliographique des Odonates de France. – INRA.
  • Lambret, P., Cohez, D., & Janczak, A. 2009 Lestes macrostigma (Eversmann, 1836) en Camargue et en Crau (Département des Bouches-du-Rhône).Martinia, 25(2), 51-65.
  • Lambret, P. 2024Conservation ecology of the threatened damselfly Lestes macrostigma – An integrated life cycle approach. – KU Leuven.