Insectes – La Réunion
Jusqu’au début des années 2000 on pouvait trouver plusieurs sites Internet, dont l’auteur est plus ou moins précisé, sur les Insectes de l’île de La Réunion. Plusieurs d’entre-eux ne sont plus disponibles sur la toile depuis peu, mais j’avais conservé quelques notes dans mes archives que je résume ici.
Des connaissances entomologiques partielles
Tant la flore, qu’une partie de la faune de l’île de La Réunion (Oiseaux, Reptiles, Amphibiens) sont assez bien connus désormais, alors que le vaste groupe des Insectes est en retrait. Les connaissances entomologiques réunionnaises sont encore très partielles. Les groupes les mieux connus sont les Lépidoptères, les Coléoptères, les Fourmis, les Termites, les Libellules, les Moustiques, les Hémiptères Hydrocorises et les Orthoptères. Cette situation est toutefois assez similaire à celle connue en bien des endroits du Monde, y compris en France métropolitaires où seuls quelques groupes supplémentaires sont bien étudiés.
Les Insectes de l’île de La Réunion présente un fort endémisme qui est associé à la dérive génétique naturelle sur un tel espace isolé géographiquement du reste du Monde (l’île de La. Réunion est distante de 850 km de Madagascar). C’est une caractéristique habituelle de l’insularité. Les géniteurs, ancêtres des insectes réunionnais sont pour l’essentiel issus de la zone africo-malgache et la proximité des autres îles mascareignes (Maurice et Rodrigues) favorise le partage de plusieurs taxons sur ce secteur géographique isolé. Ce sont des espèces pour l’essentiel à affinités tropicales. L’âge de chacune des îles d’origine volcanique contribue à expliquer une part de leur Biodiversité : la plus ancienne est Maurice a émergé il y a 5 millions d’années, alors que Rodrigues est la plus récente n’est âgée que d’un million d’années contre 3 pour La Réunion. Les Hétérocères montrent un taux exceptionnel d’endémisme qui passe les 40% et leur suivi est un indicateur de la santé de l’environnement insulaire. Il s’agit d’un patrimoine d’importance mondiale qu’il s’agit de préserver. Actuellement quelques associations naturalistes, la DIREN et le Parc National de La Réunion sont les acteurs principaux de la préservation de la nature réunionnaise.
Les secteurs de basse altitude et les piémonts sont convoités par une population grandissante et les habitats tendent à y devenir relictuels dans bien des cas. La pression démographique est un paramètre important à prendre en compte dans le cadre de la dégradation de l’environnement à La Réunion et de facto à considérer dans les démarches de préservation, conservation ou réservation d’espaces encore naturels. Dans un tel contexte il est important d’amener le public à connaître et intégrer l’environnement dans son patrimoine personnel pour préserver les habitats et les espèces. Aussi les lois ne sont dans une telle situation pas suffisante et c’est seulement dans le cadre d’un partage et une appropriation de la nature par les gens, que la Nature conservera une qualité satisfaisante.
Je précise ci-dessous certains groupes mieux connus. On notera par ailleurs quelques espèces endémiques supplémentaires prises chez les Hémiptères aquatiques (Limnogonus cereiventris, Microvelia bourbonensis).
Coléoptères réunionnais
La première synthèse sur les Coléoptères des Mascareignes, donc de l’île de La Réunion date de 1967 (Vinson 19671). Elle rend compte d’un sub-endémisme partagée avec l’île Maurice puisque 16% des espèces connues à La Réunion sont communes à la seconde île. Ce sont 446 espèces qui sont connues alors sur La Réunion. Une synthèse plus récente a été publiée en 2000 (Gomy 20002). Elle ajoute une progression importante des connaissances avec 373 espèces ajoutées à l’inventaire des Mascareignes portant le nombre total à 844.
On trouve parmi les quatre espèces de Hannetons à La Réunion, Gymnogaster buphthalmus qui est un des plus rares Coléoptères de l’île, décrit à partir d’une femelle en 1862, il pas été revu avant 1983 par la suite et des mâles ont été alors capturés et déposés au MNHN. Il s’agit de souligner que l’île de La Réunion présente un fort endémisme chez les Curculionidae pour certains genres comme par exemple les Cratopus avec 32 espèces connues uniquement ici. Les Coléoptères aquatiques (Hydracanthares) avec 49 espèces ont développé par divergence des espèces propres à La Réunion comme Dineutus sinuosipenis et Dineutus aureus. Ce dernier est très commun à basse altitude. On trouve encore dans cette catégorie Berosus vinsoni et des espèces qui restent à décrire.
Fourmis réunionnaises
Le nombre d’espèces de Fourmis est considéré comme faible sur l’île de La Réunion (Mamet 19543). A titre de comparaison on en connaît une quarantaine sur l’île Maurice (dont 11 endémiques). Ce ne sont qu’une quinzaine d’espèces qui sont présentes à La Réunion et nombre d’entre-elles sont le résultats d’introductions associées aux activités humaines. Deux d’entre-elles apparaissent comme endémiques.
- Anoplolepis longipes est une espèces sub-cosmopolite présente sur l’ensemble des Mascareignes.
- Brachymyrmex cordemoyi est connue en outre sur l’île Maurice et les Seychelles. Cette espèce présente un gros abdomen sombre dont les jointures entre les segments sont nettement éclaircis. La détermination en est ainsi facilitée.
- Camponotus sp. originaire d’un container provenant de l’Inde (Goujerat) colonie échappée en 2000. Détermination et devenir à préciser.
- Camponotus maculatus est une espèce africo-malgache (Afrique de l’Est et Madagascar, présente en outre à l’île Maurice. Il s’agit de la « Fourmi grand galop », anthropophile, elle est en voie de disparition. L’abdomen de cette espèce qui présente une tête relativement petite, montre trois marques noires parallèles d’avant en arrière contrastant sur un fond jaunâtre. Ceci aide à sa détermination.
- Leptogenys maxillosa se trouve en outre sur l’île Maurice et les Seychelles.
- Monomorium floricola est une espèce sub-cosmopolite présente aussi sur Maurice. Dénommée « Fourmi noire » sa morsure est douloureuse.
- Pheidole megacephala est une espèce sub-cosmopolite (inconnue sur l’île Maurice) dont la variété picata provenant de Madgascar est connue aussi à La Réunion. Il s’agit d’une espèce anthropophile tendant à envahir certaines maisons et mangeant les réserves ou les miettes égarées. La tête porportionnellement très grande facilite la détermination de cette espèce.
- Paratrechina longicornis est une espèce sub-cosmopolite connue sur l’ensemble des Mascareignes.
- Plagiolepis alluadi semble endémique de La Réunion.
- Prenolepis bourbonica semble endémique de La Réunion.
- Solenopsis geminata est une espèce pantropicale connue sur l’ensemble des Mascareignes. Présente dans les plantations de canne à sucre, c’est une « Fourmi rouge » crainte par le cueilleurs agricoles.
- Strumigenis raymondi se trouve localisée sur les îles de La Réunion et Maurice. La forme très particulière de la tête de cette espèce en forme de pointe triangulaire vers l’avant facilite la détermination de cette espèce.
- Tapinoma melanocephalus est une espèce pantropicale connue aussi sur l’île Maurice.
- Technomyrmex detorquens est une espèce sub-cosmopolite connue en outre sur l’île Maurice.
Moustiques de l’île de La Réunion (Diptères)
Parmi les 13 espèces connues à l’île de La Réunion, sept sont tout particulièrement bien représentées : Anopheles arabiensis, Anopheles coustani, Aedes fowleri, Culex quiquefasciatus, Culex tigripes (vidéo plus bas), Culex univittatus et porteuses de Dengue, Chinkungunya ou Paludisme on trouve Anopheles gambiae, Aedes albopictus (Moutique tigre) et Aedes aegypti. Seule la Dengue est active régulièrement sur l’île.
Lépidoptères réunionnais

Ce sont 33 espèces de Papillons diurnes et 567 nocturnes qui étaient répertoriées à la date de 2021 sur l’île de La Réunion. Les difficultés de détermination sont fréquentes ici, et, l’examen attentif de détails comme ceux des genitalia est souvent nécessaire pour parvenir à des résultats fiables et ce sont désormais des études génétiques basées sur l’ADN qui viennent parfaire la fiabilité des connaissances. Les connaissances réunionnaises sont clairement soutenues par des spécialistes missionnés par le Muséum d’Histoire Naturelle de Paris notamment sous la direction de Joël Minet, ainsi que des spécialistes locaux ou venus de la Métropole. Un réseau de lépidoptéristes de dimension internationale a été mobilisé sur ces Insectes, depuis le Japon aux Etats-Unis… Une collection conséquence d’ouvrage a été préparée et rassemble 5 volumes parus de 2005 à 2016 ainsi qu’un catalogue finalisé en 2018 sur les Hétérocères et une sur les Rhopalocères. Divers sites Internet parlent des Papillons de La Réunion.
Malgré un chiffre significatif pour les Hérocères qui présentent plus de 500 espèces, la Biodiversité lépidoptérologique réunionnaise est limitées car ce par exemple plus de 5000 espèces de Papillons nocturnes qui sont connus à Madagascar. De nouvelles espèces ont immanquablement été trouvées depuis en particulier chez les Hétérocères, mais les événements les plus remarqués sont ceux concernant les nouveautés chez les Papillons diurnes. On citera par exemple Chilades pandava découverte en 2001 vraisemblablement introduite avec des Cycas horticoles originaires d’Asie, ou, comme en 2010, l’arrivée de Spalgis tintiga originaire de Madagacar, tout comme Leptomyrima phidias arrivé vers la fin des années 2010, voire début 2020. Malgré le faible nombre d’espèces de Papillons diurnes connus ici, on a constaté sur Maurice la disparition d’au moins 3 espèces endémiques. À Rodrigues l’importante déforestation risque d’avoir fortement altéré le patrimoine local. Leur conservation à l’île de La Réunion paraît plus favorable car les habitats des sept espèces endémiques sont inaccessibles et concernent des ravines ou des forêts de fortes pentes aux flancs des volcans. Toutefois dans un contexte de conservation acceptable, trois espèces de Rhopalocères endémique sont menacées, mais protégées : Papilio phorbanta, Antanartia borbonica borbornica et Salamis angustina. Chez les Hétérocères des témoins critiques de régression sont identifiés et plusieurs espèces n’ont pas été retrouvées depuis les premiers inventaires menées dès le milieu du XIXe siècle sur l’île. Les tendances aux échanges mondiaux favorise la venue d’espèces ravageuses invasives, ce qui n’est pas sans conséquences sur l’agriculture.
Chez les Papillons diurnes les sept [sous-]espèces endémiques de La Réunion sont Antanartia borbonica borbonica (protégée), Euploea euphon goudotii, Henotesia fraterna borbonica, Neptis dumetorum, Papilio phorbanta (protégée), Parnara naso bigutta et Salamis angustina angustina (protégée). On trouve en outre deux autres taxons endémiques élargies aux Mascareignes : Eurema floricola ceres et Melanitis leda helena (aussi en Afrique ?). Ceci signifie que près du tiers des espèces de Rhopalocères sont endémiques ou sub-endémiques. Les espèces africo-malgaches plus ou moins au sens large sont Borbo borbo borbonica, Cacyreus darius, Catopsilia thauruma, Coeliades ernesti, Coeliades forestan arbogastes, Deudorix antalis, Eagris sabadius sabadius, Eurema brigitta pulchella, Hypolimnas misippus, Juronia rhadama, Papilio demodocus, Phalantha phalantha aethiopica. A celles-ci s’ajoutent des espèces à vaste répartition : Cacyreus marchalli, Catopsilia florella, Danaus chrysippus, Danaus plexippus, Lampides boeticus, Leptotes pirithous pirithous, Vanessa cardui, Zizina antanossa, Zyzina hylax, Zyzeeria knysna. Enfin deux espèces ne sont partagées qu’avec Madagascar : Leptopmyrina phidia et Spalgis tintinga.
Termites réunionnais
Ce sont 9 espèces de Termites qui ont été répertoriés par Chritian Bordeareau du CNRS lors de ses missions réunionnaises menées en 1996 et 19974 :
- Coptotermes havilandi est une espèce très commune tant dans les zones d’habitations que dans les campagnes. Elle provoque de nombreux dégâts aux habitations.
- Cryptotermes brevis originaire des Caraïbe, commune à La Réunion et provoquant de nombreux dégâts aux habitations.
- Cryptotermes dudleyi qui est rare à La Réunion, mais provoquant des dégâts aux habitations en Afrique, Madagascar ou sur l’île Maurice par exemple.
- Cryptotermes pallidus qui est une espèce des Mascareignes vivant dans les forêts humides ou quelques habitations voisines, de faible nuisance.
- Microcerotermes subtilis est rare et s’observe dans les arbres creux. Elle s’attaque aux habitations humaines à Madagascar et aux Sheychelles.
- Neotermes reunionensis est endémique de l’île de La Réunion où elle vit dans les forêts humides. Elle est relativement rare.
- Poselectrotermes howa est une espèce assez commune dans les forêts humides et ne semble présente qu’à La Réunion (endémisme à confirmer).
- Prorhinotermes canalifrons est peu commune, présente en outre à Madagascar. Cette espèce s’attaque aux cultures de manguiers.
- Procryptotermes falcifer qui est très commune à La Réunion. C’est une espèce des Mascareignes qui occupe et attaque les arbres en milieu naturel.
Autres références choisies
- Bousses P., Dehecq J.S. & Fontenille D. 2021 – Les moustiques de l’île de La Réunion. – IRD Éditions.
- Guillermet C. 2001 – Inventaire des Arthropodes aquatiques de la rivière Saint Denis. – Rapport de la DIREN Réunion.
- Guillermet C. 2001 – Inventaire des Arthropodes aquatiques de la rivière des Marsouins. – Rapport de la DIREN Réunion.
- Guillermet C. 2001 – Inventaire des Arthropodes aquatiques de la rivière du Bas de la Plaine. – Rapport de la DIREN Réunion.
- Marlier & Marlier 1982 – Les Trichoptères de l’île de La Réunion. – Inst. Roy. de Sc. Nat. de Belgique, Entomologie, 54 (13).
- Martiré D. 2010 – Les libellules et éphémères de La Réunion. – Biotope édition, collection. Parthenope, MNHN.
- Poisson R. 1957 – Les Hydrocorises de l’île de la Réunion. – Mém. Inst. Sc. de Madagascar, série E (8) : 389-398.
Webographie
- Association réunionnaise d’Entomologie (dirigée par Samuel Couteyen) (site fermé : lien obsolète)
- Les insectes de La Réunion par Christian Guillermet (Insectarium) (site fermé après le 13 juin 2021) (lien obsolète)
- Nature Découverte et Partage (Association à Saint-Paul) (activités connues de 2001 à 2011)
- Vinson J. 1967 – Liste chorologique des Coléoptères des Mascareignes présentée par le professeur R. Paulian. – The Mauritius Institute Bulletin, IV (5/6). ↩︎
- Gomy Y. 2000 – Nouvelle liste chorologique des Coléoptères de l’Archipel des Mascareignes. – Soc. Réunionnaise des Amis du Muséum. ↩︎
- Mamet R. 1954 (The Mauritius Institute Bulletin, VIII (4)). ↩︎
- Bordereau C. 1997 – Les termites de l’île de La Réunion. – Rapport de mission du CNRS, Univ. de Bourgogne, 1997. ↩︎